L’histoire du thé au Japon

L’histoire du thé japonais est liée à celle du bouddhisme. En effet, les moines zen introduisirent le thé au Japon et furent les premiers à promouvoir sa consommation. Inspirée par la culture et l’art, la cérémonie du thé revêtit plus tard un aspect artistique.

 

Le Nihon Kôki et l’influence d’Eichû

Le Nihon Kôki (日本後紀), réalisé en 840, est un ouvrage sur l’histoire du Japon. Ce livre relate les aventures du moine Eichû qui rapporta de Chine des graines de théier et des briques de thé (団茶, dancha).


En 815, Eichû fit déguster le thé à l’Empereur Saga, cinquante-deuxième empereur du Japon. Le souverain, passionné par la culture chinoise, fut conquis par ce breuvage et demanda que des plantations de thé soient développées dans le Kinki, ainsi que dans les propriétés impériales de la capitale Kyôto.

Le Kinki, qui signifie « voisinage de la capitale », est une région située sur l'île principale de Honshu, proche de l’ancienne capitale, Kyôto. Le Kinki, parfois nommé Kansai « ouest des barrières », faisait référence aux points de contrôle érigés sur la route de Tōkaidō.

 

À l'époque, le thé se présentait sous forme de briques qu’il fallait chauffer.

On râpait les morceaux avant de les faire bouillir, puis on les mélangeait  avec d’autres ingrédients.

Le thé ressemblait à ses débuts davantage à un breuvage. Prisé pour ses bienfaits médicinaux, son intérêt, comme son goût, restait à l époque peu attrayant. 

 

Les relations avec la Chine

Les ambassades japonaises en Chine furent interrompues en 838, puis officiellement supprimées en 894. Après 894, les échanges entre les deux pays furent exclusivement commerciaux.

Cette période de trêve dura jusqu’au XIème siècle, période à laquelle les échanges entre le Japon et la Chine reprirent activement. À cette époque, des religieux ainsi que de nombreux artistes japonais, partirent étudier en Chine. 

 

L’influence d’Eisai

Eisai était un moine japonais. Il importa le bouddhisme Cha’n chinois au Japon et fut notamment à l’origine du zen japonais. Il réintroduit aussi le thé au Japon, rapportant de Chine des semences, ainsi qu’une nouvelle manière de consommer le thé. La méthode de préparation était proche de celle du matcha japonais actuel  (抹茶). 

Le thé, réduit en poudre, était battu avec de l’eau chaude. Cette forme de préparation fut abandonnée rapidement en Chine mais perdura au Japon. Le thé en poudre battu reste aujourd’hui une spécificité japonaise.


Le thé, au coeur des cérémonies religieuses

Au XIème siècle, le thé était consommé comme médicament. Eisai rédigea le Kissa Yôjôki, un essai détaillant les qualités médicinales du thé. Le thé était aussi utilisé comme stimulant. Il aidait les moines à rester éveillés lors de leurs séances de méditation. Sa préparation ainsi que sa dégustation furent codifiées. Lors des cérémonies, les prêtres offraient le thé aux dieux ou aux esprits des morts. 

Le thé était aussi servi aux invités. Il toucha un public plus large et se démocratisa ainsi progressivement. Dans les campagnes, on consommait des thés à la préparation plus simple. Il s’agissait de feuilles séchées au soleil et longuement bouillies.

La naissance du honcha

Eisai offrit des graines de thé au prêtre Myôe. Les graines furent plantées dans la région de Togano-o (栂尾), à l’ouest de la capitale. Ce thé, le Togano-o fut nommé honcha (本茶), signifiant vrai thé, thé originel. Les thés plantés dans les autres régions furent nommé hicha (非茶).

Le honcha donna naissance au thé d’Uji, de la ville homonyme proche de Kyôto. Ce thé a encore aujourd’hui la réputation d’un thé de haute qualité.

 

L’influence de Shôichi Kokushi

Shôichi Kokushi était un moine bouddhiste du XIIIème siècle. Également connu sous le nom de Enni (ou Enni Benen), il construit le Tōfuku-ji, un temple bouddhisme zen. Il rapporta aussi de Chine les plans d’une machine à moudre le blé, qui permit notamment le développement des udons au Japon.

Le moine Enni, rapporta également des graines de thé vert. C’est ainsi que, près de cent ans plus tard, la culture du thé se perfectionna au Japon.

La région de Honyama, située dans la préfecture de Shizuoka devint au XIIIème siècle une zone de production majeure de thé. Aujourd’hui encore, elle est reconnue comme une des meilleures régions de production de Sencha.

 

La démocratisation du thé

Le thé se démocratisa d’abord dans un cadre religieux avant de gagner l’aristocratie. Durant l’époque Heian, le thé est présent à la cour. Il se répand ensuite au sein de l'aristocratie guerrière et des couches aisées de la population nippone.

À partir de 1185, sont organisées des compétitions appelées tôcha. Le thé est dégusté à l’aveugle et les participants doivent deviner le thé qu’il déguste. Ces concours de thés deviennent très populaires et sont donc interdits en 1336. Les compétitions offrent en récompenses des céramiques continentales.

Les écoles de thé reprennent ensuite l’idée des tôchas à travers la pratique du cha-kabuki. Cette méthode permet aux étudiants d’affiner leur goût et de distinguer les différents thés.

 

Le Cha No Yu, l’art du thé

L’influence du huitième shôgun et la culture Higashiyama

Au XVème siècle, les tôchas se raréfient, la dégustation de thé se fait plus intimiste.


Le mouvement culturel de l’époque prend alors le nom de culture Higashiyama, en référence au quartier de Kyôto dans lequel le huitième shôgun, Askikaga Yoshimasa, fit construire le Pavillon d’Argent (Ginkakuji). Yoshimasa dédia sa vie aux arts et à la religion. Il développa l’art floral, la peinture à encre ainsi que la cérémonie du thé, notamment le concept du wabi-sabi.

L’influence de Nôami

Le shôgun avait un conseiller artistique, Nôami, qui fut à l’origine du shôin-daisu, une dégustation intimiste. Le nom shôin-daisu vient de shôin, la pièce d’étude, et daisu, l’étagère chinoise utilisée pour les ustensiles. Nôami présenta à Yoshimasa, le prêtre Murata Shukô, créateur du Cha No Yu « l’eau chaude pour le thé ».

Modestie, respect, pureté et sérénité : les quatre grands fondements du Cha No Yu

Shukô délimita l’espace réservé à la dégustation de thé, puis déplaça le rituel du thé dans des huttes (sôan), qui rappelait les retraites des moines en montagne. La dégustation de thé devait permettre une prise de conscience totale de chaque geste, de chaque instant, dans « l’ici et maintenant ».

Shukô insista sur l'importance d’oublier toute distinction de classe dans la pièce de thé, un des fondements du Cha No Yu. La réunion de thé devait permettre d’atteindre la paix grâce à l’adoption des principes de modestie, de respect, de pureté et de sérénité, les quatre fondements immuables du Cha No Yu.

 

L'esprit wabi-sabi

Le wabi-sabi

Concept spirituel et esthétique dérivé de principes bouddhistes zen, il prône l'imperfection, la beauté des choses humbles, modestes, imparfaites, impermanentes et incomplètes

 

La cérémonie du thé de Jukô exprimait déjà l’esprit wabi. Mais ce terme fut développé par Takeno Jôô puis par Sen no Rikyû. Jôô prônait l’usage d’« objets trouvés », de céramiques d’usage quotidien détournées de leur fonction originelle. Il décrivit le Wabi (Wabi no Fumi) comme « l’honnêteté, la prudence, et le détachement, autant émotionnel que matériel ». 

Sen no Rikyû élimina le superflu de la pièce de thé, et développa un rituel dépourvu de geste ou objet inutile. La Voie du Thé était pour lui « une discipline esthétique, basée sur la loi bouddhique, visant à atteindre le salut spirituel ». Il réduisit aussi le rituel du  Cha No Yu à « faire chauffer de l’eau, préparer le thé et le boire convenablement ».

 
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